Saba Enchante

Poèmes de famille

(ode à deux jeunes dormeuses)
? Cannes, le 23 ao?t 2007

 

Céline voulait la lumière;
Fanny ne voulait rien savoir.
L'une n'aimait que la nuit claire;
L'autre exigeait que tout fût noir.

Comment, dans ces conditions-là
Faire dormir ces demoiselles?
Mais fort heureusement Saba
Veillait sur ses deux tourterelles…

Pendant, leur dit-il, que Fanny
Lit sous son abat-jour propice,
Céline peut se mettre au lit
Et dormir sans plus de caprice!

Ainsi fut fait : les deux oiseaux
Suivirent le précieux conseil;
L'une lut, mais presque aussitôt
Les deux trouvèrent le sommeil.

Comme promis, Saba revint
Ouvrir leur porte dans le noir.
Et, par un miracle divin,
Boucle d'Or dormait comme un loir.

6 mai 2011

 

Dix-huit ans, c'est le bel âge,
Dix-huit ans, c'est le printemps.
Dix-huit ans, est-on plus sage?
Dix-huit ans, profites-en!

Pour Saba qui t'a vu naître,
C'est déjà un sacré bail.
Dix-huit ans, te voici maître
De ta vie, de ton travail…

Pour le reste, petit drôle,
Je te fais pleine confiance.
J'aimerais changer les rôles;
M'abreuver d'eau de jouvence.

Sois jeune pour deux, mon fils
Ne gaspille pas "nos" chances!

Les douze coups ont retenti,
Et voici que Fanny s'?lance.
La voil? sortie de l'enfance :
Voyez comme elle resplendit.

D'un pas l?ger elle gravit
Les marches de la Sainte Estrade
Et comme en une s?r?nade,
C'est la voix de Dieu qu'elle dit.

Comment, s?duits par son doux chant,
N'accourraient-ils pas tous les deux?
Le Messie pour les Bienheureux,
Pour elle, le Prince Charmant.

Qu'il a chang?, mon oisillon!
Est-ce encor ma "petite"-fille?
Moi qui l'ai tant aim?e chenille,
Je vais l'adorer papillon.

Au demeurant, Charmant ou pas,
Le Prince peut attendre un peu.
Tu n'es pas ? court de sang bleu,
Toi qui es reine de? Saba!

Descendante de Salomon,
Il me reste de l'or d'Ophir,
Et Saba peut encor t'offrir
Un peu du Tr?sor des Gordon.

Saba, le 24 juin 2007

Dans le métro (pour mon fils David)
18 juin 1984

Le bonheur c'est aussi le sanglot et l'arpège.
Le bonheur c'est toujours le rayon et le vent.
Le bonheur c'est l'éclat, c'est le bleu, c'est la neige.
Le bonheur c'?tait toi, c'était nous mon enfant.

sur la tombe de ma grand-mère Céline
(date incertaine)

Je sais un cimetière, au flanc d'un coteau gris,
Où repose une sainte et douloureuse aïeule.
Je sais un cimetière où ma vieille âme seule
Pleure le souvenir de mes huit ans enfuis.

poème inspiré par le cinqcentenaire de la découverte de l'Amérique
et par le célèbre sonnet de J.M. de Heredia

juin 1992

Ce fut comme si Dieu recréait la lumière
Sur un monde rechu dans l'ombre et le chaos
Quand, au bout du voyage, arriva mon grand-père,
Un matin de janvier, rue de Pali-Kao.

Ce siècle avait six ans, grand-mère en avait trente.
Mes deux oncles aînés n'étaient que des marmots.
Mon père à la mamelle et mes deux jeunes tantes
De la sainte famille achevaient le tableau.

Ils n'étaient point gerfauts, moins encor capitaines,
Ils n'allaient conquérir nul fabuleux métal.
Mais s'ils avaient franchi l'Europe en quarantaine,
C'était bien pour voler hors du charnier natal.

Que pouvaient-ils savoir de la terre nouvelle
Qu'offrait le matin blême à leurs yeux étonnés?
La vigie faisait grève et nulle sentinelle
N'était là pour leur dire où ils s'étaient échoués.

C'eût pu être à New York, ce pouvait être à Londres,
Qu'ils avaient débarqué par la grâce de Dieu.
Survivants ébahis d'un monde qui s'effondre,
Ils ont dû dire : on a l'Amérique qu'on peut.

Mon grand-père, dit-on, baisa le sol de France.
N'était-ce pas le moins, si Dieu y est heureux?
Comprit-il qu'il scellait une nouvelle alliance
En plantant son sanglot quelque part sous les cieux?

Des lustres ont passé. Cette Terre est ma terre;
Et si c'est par hasard, ce ne fut pas en vain
Que mes aïeux ici ont brûlé leur galère.
Je bénis leur mémoire, au nom de tous les miens.

pour le mariage d'Ariel et Emma (10 mai 2008)

(peut se chanter sur l'air de "La Marche Nuptiale" de Brassens
en redoublant le quatrième vers de chaque strophe)

Béni sois Tu, Seigneur, pour le fruit de la vigne;
Béni sois Tu, Seigneur, pour nous avoir forgés;
Béni sois Tu, Seigneur, c'est pour Ta Gloire insigne
Que Tu as tout créé.

Béni sois Tu, Seigneur, qui dans Ta bienveillance
Ta parfaite image as su nous fa?onner;
Loué sois Tu pour le don d'infinie descendance
Dont Tu nous as comblés.

Qu'elle exulte et jubile enfin, la Délaissée,
En voyant rassemblées en son sein ses légions;
Béni sois Tu, Seigneur, pour la joie redonnée,
Par ses fils, à Sion.

Réjouis, Seigneur, réjouis l'époux et sa promise!
Comme Tu as réjoui dans le jardin d'Éden
Ta créature antique. Réjouis et éternise
Tous les couples qui s'aiment.

Béni sois Tu, Seigneur, qui créas l'allégresse,
L'époux et sa promise, le chant et le plaisir,
L'amour et l'affection, la fraternelle liesse,
Et le pieux désir.

Puissions-nous ouïr bientôt dans les rues de Judée
La voix de la gaité et la voix du bonheur,
La voix du jeune époux, celle de l'épousée
Comme issues d'un seul cœur.

Et puisse cette voix, de sous le dais nuptial,
Faire écho aux chansons des plus jeunes convives.
Béni sois Tu, Seigneur; par le lien conjugal,
Fais que nos Maisons vivent!

Taté, du lachst. Az och un wey tzu dayn gelechter!

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(poème de Pourim), mars 1977

Attention : ceci est le texte reconstitu? de m?moire.
? une ?poque o? j'avais perdu le “vrai”.

Le soleil luit-il sur la France?
Il boude le ciel d'Italie.
Sur ton lit roulant de souffrance,
Tu geins en bas, je vole ici.

Es-tu sensible ? l'ironie
De l'insolite accoutrement?
Le roi Totor rentre ? Paris,
Vautr? comme un roi fain?ant.

Ce ne peut ?tre qu'une farce;
C'est un gag, une pantomime?
Mais, j'y suis : nous sommes en mars,
Et - mais oui! - ce soir, c'est Pourim.

Ce n'est donc qu'une mascarade;
J'ai eu tr?s peur, mais je respire?
Tu t'es d?guis? en malade :
Tu as voulu nous faire rire.

Aie garde, vieux gamin fantasque
De prolonger ce carnaval.
Il est temps de jeter le masque :
On t'attend pour ouvrir le bal.

sur l’air de “Pauvre Martin” (G. Brassens)
sauf le refrain, août 1996

Il est parti, mon dernier oncle,
Sans un murmure et sans un cri.
Il a payé, rubis sur l’ongle,
Son visa pour le paradis…

Je n’dirai plus jamais Tonton, tontai…ne
Je n’dirai plus jamais Tonton, tontaine et tonton.

Il est parti comme un saint homme,
L’âme sereine et repenti.
Il nous a dit : shabbat shalom;
La paix de Dieu soit avec lui…

(refrain)

Il est parti ce presque père,
Sourire de mes jeunes ans.
Le dernier ange tutélaire
A déserté mon cœur d’enfant…

(refrain)

Il est parti, mon bon Santiague,
Le vieil espiègle, le farceur.
Ce doit être encore une blague;
J’ai cru entendre : ? tout ? l’heure

Un jour je redirai Tonton, tontai…ne
Un jour je redirai Tonton, tontaine et tonton.

20 janvier 1984

Mon fils m'a rendu ce soir
La joie, la vie et l'espoir.
Sur le banc au fond du Temple,
Il est revenu s'asseoir,

? c?t? de son vieux p?re
Com(me) moi près du mien
Dire ensemble la prière :
Viens, viens, viens.

Le Temple était presque vide,
Le rabbin n'était pas là,
Mais lorsque d'un pas timide
Il s'est approché de moi,

Il m'a semblé que l'espace
S'éclairait soudain
Que D. nous montrait sa face
Trois, Deux, Un.

Dans l'unisson de nos âmes
Dans l'harmonie de nos cœurs
Brûlait une même flamme,
Brillait la même ferveur.

Le Seigneur dans Sa Lumière
Qui connaît les Siens,
Trouvait que ces fils et père
C'é – tait – bien.

sonnet pour la Bar-Mitzwah de J?r?mie
15 mai 2006

 

Tu as grandi, mon fils, et te voilà adulte;
Comme elles ont passé, Seigneur, ces treize années!
Tu vas ceindre ton front des insignes du culte
Et lier à ton bras les Paroles sacrées.

Tu reprends aujourd'hui le flambeau séculaire.
Tu entres dans l'arène et relèves le gant.
Et, si le temps n'est plus de la vertu guerrière,
Ne nous y trompons pas : c'est un adoubement.

Va, petit chevalier, porte haut la bannière.
Combats avec la Foi, lutte le Livre en mains.
A l'instar de "ce fer que je remets au tien",

Je t'offre cet "écu", que je tiens de mon père.
Puisse-t-il, de Là-Haut, relayer ma prière.
Puisse son souvenir éclairer ton chemin.

ode ? mon fils David Gordon
1er juillet 2003

 

Je te b?nis, mon fils, au nom de tes a?eux
?chou?s sur nos rivages il y a cent ans ? peine,
De David le bottier qui, tirant son al?ne,
A peut-?tre per?u l'avenir glorieux?

Je te b?nis, mon fils, au nom de ton grand-p?re,
De Totor le "biffin", Totor le b?tisseur,
Qui te connut assez pour deviner l'honneur
Dont tu saurais un jour rendre sa lign?e fi?re.

Je te b?nis enfin en mon modeste nom,
Fid?le transmetteur des vertus qu'on h?rite,
T?moin ?merveill? du surcro?t de? m?rite
Dont tu viens couronner de nous tous le blason.

Quel chemin parcouru en pas m?me cent ans,
Des bords de la Volga aux rives de Lut?ce!
? ses fils, quels lauriers la R?publique tresse!
Puisse le tien, un jour, en ?tre pr?sident!